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Cuisine & Balades gourmandes

Du Cacao au Chocolat : Petite histoire et défis du 21º siècle

De la fève au chocolat
Du cacao au chocolat

Gourmandise, ingrédient privilégié des pâtissiers, aliment rempli de nutriments et entouré de mythes, le chocolat fait beaucoup parler de lui mais on ne connaît guère son histoire complexe ni les problématiques qu'il pose aujourd'hui.

Avant de vous livrer des recettes, de vous parler de sa fabrication et de diverses astuces pour l'utiliser en cuisine, dans de prochains articles, je vous parle aujourd'hui du cacao au fil des temps.

Cacaoyer et cacao chez les peuples précolombiens

On pense que le cacaoyer, originaire des plaines tropicales d’Amérique du Sud et centrale, existait déjà à l’état sauvage il y a 6000 ans et qu’il était cultivé par les civilisations précolombiennes il y a 3000 ans dans ces régions et dans l’actuel Mexique. 
 
On sait que les Mayas, qui appelaient cet arbre Cacahuaquchtl, le cultivaient dans leurs jardins afin de tirer de ses graines un breuvage qu’ils assaisonnaient de piment fort et autres condiments présents dans ces régions. 
Les Aztèques associaient le chocolat à Xochiquetzal, la déesse de la fertilité. Initialement, la boisson obtenue et considérée comme la « nourriture des dieux » était utilisée lors de rituels religieux ou dans des circonstances très particulières par les rois et les notables. Il se peut que la boisson chocolatée ait également été utilisée à des fins thérapeutiques  car on lui prêtait des vertus spécifiques.
Les fèves de cacao étaient également utilisées comme monnaie d’échange pour faire du troc, payer des impôts et acheter des esclaves dès 1 000 ans av. J.-C. chez les Mayas et les Aztèques. 

L'arrivée du chocolat en Europe

Le cacao est arrivé en Europe au 16º siècle, apporté par les Conquistadores espagnols. C’est lors de la conquête du Mexique en 1519 qu' Hernán Cortés goûta la précieuse boisson chocolatée et Bernard Diaz del Castillo, son compagnon de route, découvrant que l'on donnait du chocolat aux soldats de la garde de l'empereur aurait  déclaré : « lorsqu'on l'a bu, on peut voyager toute une journée sans fatigue et sans avoir besoin de nourriture ». La consommation du cacao se répandit chez les missionnaires et les colons. Le chocolat fut introduit à la cour du roi Charles Quint quelques années plus tard. 

Les premières grandes cargaisons de fèves de cacao arrivèrent en Espagne à la fin du siècle. Si les Espagnols n'appréciaient guère l'amertume du cacao, ils s'aperçurent rapidement que c'était une richesse à développer et ils créèrent de nombreuses plantations dans leurs colonies américaines et africaines, exploitées selon le principe de l'esclavage.

Lourdement taxé et donc hors de prix pour le peuple, le chocolat était très apprécié de l'aristocratie et du clergé espagnol qui le consommaient chaud sucré et aromatisé à la vanille ou à la cannelle.

Divulgation et évolution du chocolat aux 17º et 18º siècles

  • En 1615, la France découvre le chocolat à Bayonne à l’occasion du mariage de l’infante espagnole Anne d’Autriche avec Louis XIII car des artisans juifs espagnols et portugais fuyant l'inquisition y avaient installé les premiers ateliers de transformation du cacao en France.
  • Marie-Thérèse d'Autriche, épouse de Louis XIV, fait entrer la mode du chocolat chaud à la cour.
  • Au milieu du 17º siècle les espagnols fabriquèrent les premières tablettes pour pouvoir transporter la pâte de cacao plus facilement. L'engouement pour le chocolat se développa d'abord en Espagne et dans les colonies espagnoles, Flandres et Pays-Bas, puis dans le reste de l'Europe.
  • Au 17º siècle, des marchands, des explorateurs et des voyageurs amènent le cacao en Italie, en France, en Allemagne et en Suisse. Le chocolat est très apprécié dans les cours royales, par la noblesse, le clergé et les aristocrates.
  • La consommation du chocolat fait polémique au sein de l'église.
  • David Chaillou, le premier chocolatier de France s'établit à Paris. Il prépare et vend des biscuits et des gâteaux fait avec du chocolat  aux plus nantis.
  • 1728: La première fabrique de chocolat est fondée au Royaume-Uni.
  • 1778: La première machine qui concasse les fèves de cacao est construite en France par Doret.
  • Une usine de fabrication de chocolat est ouverte aux États-Unis en 1780.

Le début de l'industrie du chocolat

C’est avec l’activité industrielle naissante du début du 19e siècle, par le développement des techniques de fabrication et, en particulier, la baisse du prix du sucre, que l’industrie chocolatière voit le jour. Les premières usines font leurs apparitions en Europe puis dans le monde entier. Il s'agit des futurs grands noms du chocolat. Le néerlandais Coenraad Van Houten invente la  presse à cacao qui permet de séparer les parties solides et  le beurre de cacao. Antoine-Brutus Menier, pharmacien français spécialisé dans les poudres et qui vend du chocolat en tablettes, fonde une véritable dynastie chocolatière.

Des manufactures de chocolat se multiplient, puis des chocolateries industrielles voient le jour en France, en Angleterre, en Suisse, aux Pays-Bas...

Pour répondre aux besoins de l'industrie, il faut davantage de cacao et la culture des cacaoyers se développe dans de nouvelles plantations. C’est  à cette époque que le cacaoyer est introduit en Afrique par les Portugais et dans le Sud-Est Asiatique par les Hollandais.

La mécanisation entraîne une baisse des prix, ce qui permet de conquérir un public plus large. Peu à peu , le chocolat devient accessible. Il se popularise et commence à prendre de nombreuses formes. La première chocolaterie est créée par le hollandais Coenraad J. Van Houten qui produit du cacao en poudre. Le premier chocolat noir à croquer est produit  par l’anglais Cadbury, tandis que le chocolat en tablette est commercialisé par la société anglaise Fry.

Il faut attendre les années 1920 pour voir apparaître les premières barres chocolatées, une invention du hollandais Kwatta. L'américain Mars lance le Milky Way et le hollandais Nuts sa barre aux noisettes du même nom.

Le chocolat et les défis du 21º siècle

Pays producteurs de cacao

Le cacaoyer est une plante qui nécessite un environnement chaud et humide et qui ne supporte pas les grandes variations. Il est  implanté en sous-bois, sous des espèces plus hautes que lui.C'est pourquoi les plantations sont généralement situées près de l’Équateur au maximum à 20º au Nord et 20º au Sud.

Au 21º siècle, 70 % du cacao transformé provient d'Afrique occidentale avec, en tête, la Côte d’Ivoire (32%). Si le Mexique, le Venezuela et l'Équateur sont considérés comme les pays d'origine de la plante de cacao, les principales zones de culture ont progressivement migré de l'Amérique latine vers l'Afrique occidentale et l'Asie du Sud-Est.

Aujourd'hui, environ 40 millions de personnes dépendent de la culture du cacao pour vivre et la plupart des producteurs ont de très petites exploitations. Le chocolat consommé en Occident est à l’origine de la déforestation d'immenses zones du globe (80% de la forêt a disparu depuis les années 1960 en Côte d’Ivoire) ce qui  interpelle la filière du chocolat qui doit faire face au réchauffement climatique et à la chute des cours du cacao.

Face à une très forte demande pour satisfaire les consommateurs il y a d’un côté quelques grands industriels qui possèdent la moitié du marché mondial, de l’autre 5 à 6 millions de petits producteurs qui, le plus souvent, sont contraints de vivre en dessous du seuil de pauvreté, avec moins de deux euros par jour .

Pour survivre et garantir la récolte, les petits producteurs ont souvent recours à des traitements chimiques sur leurs plantations, ils emploient des ouvriers sous payés mais surtout des enfants. Exploités dès leur plus jeune âge dans les plantations de cacao, ils vivent dans des conditions terribles, manient des outils dangereux et sont exposés à des produits chimiques. Plusieurs  ONG attestent que des exploitants vont jusqu’à réduire en esclavage certains enfants après les avoir arrachés à leur famille. Une étude de l'observatoire des multinationales estimait qu'en 2016 plus de deux millions d’enfants travaillaient dans la filière conventionnelle du cacao.

Les trois filières du cacao

Face à la filière conventionnelle confrontée aux conséquences des dérèglements climatiques et qui est tenue d'assurer la qualité et la quantité de la production, deux autres filières se sont développées : la filière "durable" et la filière "équitable" avec de nouvelles certifications plus contraignantes.

Les certifications de la filière durable, Rainforest Alliance ou UTZ imposant des normes qualitatives plus rigoureuses, améliorent légèrement la situation, mais cette filière n’est pas toujours respectueuse des droits de l’homme et n’assure guère de meilleurs revenus. D’ici fin 2017, une norme définissant les exigences d’un cacao durable et traçable devrait voir le jour et traiterait de l’impact sur l’environnement, du développement économique et des conditions sociales des producteurs.

Enfin, dans la filière équitable, respectueuse de l'environnement et des conditions de travail, est en pleine expansion. Cependant ses producteurs vivent souvent difficilement à moins qu'ils ne soient réunis au sein d’organisations coopératives structurées comme au Pérou. Les coopératives péruviennes ont utilisé leur expérience dans le café pur la transposer dans la culture du cacao.

Il convient donc de lire les étiquettes et de privilégier les chocolats issus du développement durable et du commerce équitable !

Quelques infos sur la consommation du chocolat

Chocolat noir du commerce équitable

La consommation de chocolat ne cesse d'augmenter à travers le monde, en particulier dans les pays riches mais aussi dans les pays émergents. Pour la consommation par habitant, l'Europe vient en tête devant les États-Unis et ce sont les pays du Nord de l'Europe qui sont les plus grands consommateurs.

Saviez-vous que les Suisses, les Allemands, les Britanniques et les Autrichiens en mangent plus de 8kgpar an. Les Français se situent dans la moyenne européenne avec 6 à 7 kilos  annuels.

En France, actuellement, la consommation de chocolat noir dépasse largement celle du chocolat au lait. On note en outre un engouement pour les cacaos d’origine et la tendance de demain pourrait s’orienter vers les chocolats au lait à forte teneur en cacao. A suivre...

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